Dans la première édition de Suppôts et Suppliciations (1) en 1978, Paule Thévenin écrit que cette oeuvre d'Artaud est « sans doute la plus fulgurante, celle aussi où il s'est le plus exposé », elle en souligne par ailleurs la richesse et la complexité dues notamment à la multiplicité des écritures : fragmentaires, épistolaires et enfin vocaliques. Pour Paule Thévenin, cette dernière oeuvre incarne finalement le Théâtre de la Cruauté tel qu'Artaud l'a toujours pensé.

Près de trente ans plus tard, Evelyne Grossman, rééditant Suppôts et Suppliciations, insiste également sur sa dimension théâtrale : « la dramaturgie d'un cri de douleur et de révolte qu'Artaud met une dernière fois en scène dans ces pages éblouissantes. » (2). Par ailleurs, elle met en exergue la difficulté d'une oeuvre qui échappe à toute forme d'unité.

Artaud nous fascine et nous terrifie, peu d'écritures, hormis peut-être celle de Pierre Guyotat, auront été aussi loin dans la subversion de toute Loi, Artaud a fait exploser les limites du langage, comme celles du cri autobiographique. Et si l'on revient parfois, dans les dernières décennies, sur la folie d'Artaud, force est de constater que nous commençons peut-être seulement de le lire. Dans Suppôts et Suppliciations, Artaud n'a de cesse de tout disloquer, de désarticuler le corps et la langue, le corps de la langue, il exacerbe l'être, atteste d'une douleur qui n'a jamais repli sur soi, exténuation mais énergie, déchirure de toute représentation.

Hormis la nécessité de proposer une communication sur le seul Suppôts et Suppliciations, les organisateurs laissent toute liberté aux éventuels intervenants, l'enjeu du colloque étant de questionner cette ultime oeuvre sans l'enfermer dans une approche méthodologique ou thématique. Ce colloque voudrait s'inscrire dans les judicieux conseils d'Evelyne Grossman qui dans sa préface, nous enjoint de lire Artaud comme : « l'acteur d'une lecture en mouvement qui empêche le sens de prendre et de s'engluer dans une forme, une lecture qui fait voler en éclats le carcan syntaxique. » (3).

 

1. Antonin Artaud, Oeuvres Complètes, XIV, Suppôts et Suppliciations, 2 volumes, édition établie et annotée par Paule Thévenin, Gallimard, 1978
2. Antonin Artaud, Oeuvres, édition présentée, annotée et établie par Evelyne Grossman, Gallimard, collection Quarto, 2004
3. idem

 

Campus d'excel·lència internacional U A B